L’alcool en Turquie
Quoi boire à Istanbul ?
Certains voyageurs en visite à Istanbul pour la première fois sont surpris de découvrir que l’alcool est en vente libre et que les bars fleurissent un peu partout dans la ville. En effet, bien qu’une partie de la population turque soit pieuse et que le parti au pouvoir soit islamo-conservateur, la Turquie reste un pays laïc avec une grande tradition de breuvages alcoolisés. Avant de vous présenter les différents alcools turcs que vous pourrez déguster pendant votre séjour, voici un peu d’histoire sur la consommation et la production d’alcool en Turquie.
HISTOIRE
La Turquie est l’un des berceaux des premières vignes au monde avec la Géorgie, l’Iran et l’Arménie. Le processus de vinification atteindra ensuite tout le bassin méditerranéen sous l’Antiquité. La viticulture en Turquie apparaît pour la première fois pendant l’Empire hittite 2000 ans avant notre ère. C’était l’une des plus florissantes du bassin méditerranéen, mais elle disparut avec la chute de Constantinople et l’arrivée des Turcs ottomans de culte musulman.
L’Empire ottoman était assez tolérant envers les communautés religieuses et laissait les non musulmans de l’Empire, en particulier les Grecs et les Albanais produire et consommer leurs vins et autres spiritueux. Ces communautés tenaient les nombreuses tavernes de Constantinople. Lors du Tanzimat, au 19e siècle, le sultan allégea les règles islamiques et garanti l’égalité face à la loi de tous les sujets ottomans, peu importe leur religion. Les musulmans de l’empire (qui fréquentaient déjà les tavernes en cachette) se rendirent alors à leur tour avec moins de complexes dans les établissements où l’on servait de l’alcool et se prirent d’amour pour le rakı, (un alcool anisé comme le Pastis ou l’Ouzo) qui est aujourd’hui l’alcool national turc.
En parlant de rakı, le père fondateur de la République turque, Mustafa Kemal Atatürk, pouvait en boire jusqu’à une bouteille par jour.
DE NOS JOURS
Depuis 2002, la Turquie est gouvernée par le parti islamo-conservateur qui essaye de limiter la consommation d’alcool en appliquant des taxes très importantes, mais malgré cela la consommation a augmenté ces dernières années. Il y a eu une augmentation des ventes de 6,5% entre 2013 et 2014. En 2014, plus de 1 milliard 77 millions de litres ont été vendus dans le pays. L’alcool le plus consommé est la bière avec 943 millions de litres, suivi par le vin et le rakı.
Autre fait intéressant, selon l’AFEA (Association Française d’Ethnologie et d’Anthropologie), la consommation d’alcool en Turquie va de pair avec le nombre d’années d’études et la classe sociale. Plus un citoyen turc (homme ou femme) a fait d’études supérieures et provient d’un milieu éduqué, plus sa consommation d’alcool est importante.
Pour résumer, on boit de l’alcool sans complexes dans la bourgeoisie laïque et occidentalisée de l’Ouest du pays (Istanbul, Izmir, Bodrum…), ainsi que chez les Alévis, qui sont une branche de l’Islam dont près de 20% de la population se revendique. Les Alévis sont particulièrement présents dans l’Est du pays. À l’inverse, certaines villes comme Konya sont connues pour être des villes « sèches », dans lesquelles on ne boit pas beaucoup. Dans les quartiers centraux d’Istanbul, l’alcool s’est toujours bu de manière décomplexée et depuis quelques années les caves à vins, bars à cocktails fleurissent un peu partout. Découvrez notre article sur les vins et cépages turcs, ainsi que les meilleurs adresses à Istanbul pour en consommer.
Les principaux alcools turcs :
Rakı (prononcé « rakeu ») :
Le rakı c’est l’alcool national turc, un alcool anisé à 40-45 degrés qui ressemble au pastis ou à l’ouzo. Il est fabriqué à partir de fruits différents selon les différentes régions, mais on peut dire que les raisins, figues ou prunes sont ses principaux ingrédients. Cette boisson produite en Anatolie à une histoire remontant à 300 ans, qui a commencé dans le monde Arabe avec des liqueurs de fruits et qui s’est propagée aux pays voisins.Avec l’ajout de l’anis à la fin du 19e siècle pour en alléger le goût, le rakı a pris sa caractéristique turque.
Le rakı c’est l’alcool de table par excellence en Turquie, où, plutôt que le vin ou la bière, il accompagne les plats dans les restaurants de viandes et de poissons. On dit même que c’est les mezzés (les tapas turcs) froids et chauds, ainsi que les poissons, qui accompagnent la boisson plutôt que l’inverse. Un repas avec du rakı commence généralement avec une tranche de fromage ressemblant à de la féta (beyaz peynir), et du melon (kavun).
Pour boire du rakı dans la pure tradition turque, nous vous conseillons pendant votre séjour de faire un « rakı-balık », ce qui veut littéralement dire « raki-poisson ». Le repas commence avec des mezzés froids, comme du caviar d’aubergines, de la purée de fèves, du loup mariné, puis ensuite des mezzés chauds comme des petites sardines grillés, calamars, ou encore du poulpe grillé. Pour les plus gourmands vous pouvez ensuite déguster un poisson. Ce sont généralement des repas longs et conviviaux.
Un certain nombre de règles sont également attachées à la consommation de rakı : premièrement on ne boit jamais seul, on boit entre amis ou avec des gens que l’on aime, on sert le rakı dans un verre à rakı avec un verre d’eau et avec l’arrivée des premiers mezzés. La personne la plus jeune de la table doit servir les verres. On sert d’abord le rakı, l’eau et ensuite les glaçons. Personne ne boit tant que la personne la plus vieille de la table ne lève son verre pour trinquer. On trinque avec le dessous des verres, et il doit être bu lentement, car même si tout le monde va finir un peu saoul il est mal vu d’être le premier.
En Turquie, le rakı est surnommé « lait du lion » à cause de la couleur blanche que prend l’alcool après y avoir ajouté de l’eau. La marque de rakı la plus connue est le Yeni Rakı, mais d’autres marques sont bonnes comme le Yeşil Efe (à base de raisins) ou le Tekirdağ Rakı. Vous pouvez aussi essayer le Kulüp Rakı, la marque préférée d’Atatürk, bien qu’un peu plus chère.
Bière (« bira » en turc) :
Même si la bière existait en Anatolie depuis les Sumériens, l’histoire moderne de la bière en Turquie remonte à l’Empire ottoman. Les Arméniens d’Erzurum en servaient déjà dans des jardins à bières (bira bahçeleri), mais il fallut attendre l’arrivée des frères Bomonti, venus de Suisse en 1890 pour que la Turquie connaisse sa première production industrielle de bière. Plusieurs suivirent, comme le brasseur allemand Karl Haufner qui s’installa à Antalya. Atatürk, père de la Turquie moderne installa une fabrique de bière ale à Ankara. Aujourd’hui, le plus grand brasseur du pays est Efes avec plus de 80% de part de marché, et c’est le 5e plus grand brasseur d’Europe.
La bière la plus répandue est l’Efes, déclinée en plusieurs marques comme l’Efes Dark (bière brune), l’Efes Light (moins calorique), l’Efes Extra (forte en alcool) et la Mariachi (ressemblant à une Desperado). Vous pouvez la commander en bouteille (şişe) ou en pression (fıçı). Une autre marque de bière blonde très connue est la Bomonti. Enfin, depuis quelques années, une nouvelle brasserie turque a vu le jour à Bodrum, c’est la Gara Guzu, qui propose des bières ale de qualité.
Les marques Carlsberg et Tuborg sont aussi produites en Turquie et très appréciées dans le pays.
Depuis quelques années, les brasseries sont très à la mode à Istanbul, et il n’est pas rare de trouver des établissements comme le Taps de Bebek ou le Kozmonot de Nişantaşı proposant des centaines de marques de bières internationales et locales.
Vin (« şarap » en turc, prononcé « charape ») :
Le vin, ayant été interdit sous l’Empire ottoman (sauf pour les populations chrétiennes) a refait son apparition en Turquie en 1925 grâce aux principes laïcs de Mustafa Kemal Atatürk (encore), mais c’est surtout depuis le début des années 2000 que la production locale revient en force sur les tables des restaurants, grâce en partie à l’aide apportée aux producteurs turcs par des vignerons et sommeliers étrangers (beaucoup de Français). Il y a maintenant un grand nombre de marques différentes et c’est un marché en pleine évolution; le vin est maintenant le deuxième alcool le plus consommé dans le pays. Bien que la Turquie soit le cinquième producteur mondial de raisins, seulement 5% de cette production est consacrée à la production de vin. Ce marché présente des limites à cause des taxes, ce qui rend difficile son exportation.
Le vin est cultivé un peu partout en Turquie, il y a plus de 60 cépages différents, beaucoup d’entre eux sont des cépages français qui ont été introduits en Turquie dans les années 70 comme le Merlot, le Sauvignon, le Chardonnay, le Pinot et même le Riesling. Le pays a aussi des cépages de qualité comme l’Öküzgözü et le Boğazkere (rouge) cultivés en Anatolie et sur les bords de la Mer Noire, le Kalecik Karası (rouge) de la région Égéenne et de Cappadoce, l’Emir (blanc) d’Anatolie centrale, et le Sultaniye (blanc) des régions de la Mer Noire et d’Anatolie.
Il faut savoir que le vin turc est en général fort en alcool (14 degrés) et cher (surtout dans les endroits touristiques où ils vous serviront la marque Angora, un vin premier prix qui est de la piquette turque). Il est possible et de plus en plus courant de trouver des vins abordables de qualité dans plein de restaurants en dehors de Sultanahmet, et même des caves à vins, fleurissant un peu partout à Istanbul.
N’hésitez pas à lire notre article dédié aux vins et cépages turcs. Vous y trouverez également notre sélection des meilleurs vins turcs ainsi que les meilleurs caves à vins d’Istanbul.
Petit rappel important : pour trinquer en Turquie, on lève son verre et on dit « şerefe », ce qui signifie « à l’honneur ».
N’hésitez pas à nous contacter si vous avez des questions, et n’hésitez pas non plus à partager vos expériences en commentaires.
Şerefe !
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